Les chiffres ne mentent pas : en 2022, les collections non genrées ont bondi de 18 % sur les podiums européens, tandis que les chaussures dites « universelles » s’arrachent désormais plus que les modèles assignés à un genre. Les grandes enseignes ajustent leurs rayons, repensent leur classement, et certaines griffes campent encore sur leurs positions traditionnelles. Derrière les vitrines, la bataille des codes vestimentaires bat son plein.
Vêtement androgyne : entre histoire et quête d’identité
La mode androgyne n’est ni un hasard, ni une lubie. Elle s’est taillée une place à force de ruptures avec l’ordre établi, portée par des individus résolus à déconstruire la notion de genre à travers leurs vêtements. Dès le début du XXe siècle, Paris devient le théâtre d’une révolution silencieuse. Marlene Dietrich ose le smoking griffé Yves Saint Laurent, brouillant le jeu des apparences. La capitale invente de nouvelles règles, impose une lecture inédite du vêtement, où la distinction homme-femme se fait floue.
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Au fil des décennies, la mode n’en finit plus d’osciller entre affirmation et transgression. Hubert de Givenchy, figure tutélaire d’Audrey Hepburn, propose des lignes franches et pures qui s’adressent à toutes et tous, sans distinction. Ce refus du cloisonnement traduit la volonté d’échapper à toute assignation sociale, d’allier confort et expression de soi.
L’androgyne ne se réduit plus à une silhouette : il s’impose comme une démarche, une quête d’identité qui s’exprime à la première personne mais aussi au pluriel. Dans les années 70, la mode s’en empare franchement : les ateliers parisiens deviennent des laboratoires d’expérimentation. Les frontières entre genre, style et affirmation de soi se déplacent, révélant la mode comme un espace de contestation et de création sociale.
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Pourquoi le style androgyne fascine-t-il autant aujourd’hui ?
Le style androgyne s’est imposé comme bien plus qu’un effet de mode. C’est une prise de parole, un refus de laisser la garde-robe dicter l’appartenance à une case. Ailleurs qu’à Paris, à Tokyo, sur Instagram ou dans la rue, le style attire parce qu’il bouscule les repères et injecte une dose d’imprévu dans l’esthétique. Les choix vestimentaires deviennent des déclarations franches.
Le mot inclusivité s’impose dans le vocabulaire des créateurs contemporains. De H&M aux griffes plus confidentielles, les collections proposent désormais des tenues pour toutes les identités, sans se soucier de cloisonner. Ce mouvement accompagne un bouleversement culturel profond, visible notamment dans la diversité portée par les communautés LGBTQ+. La mode féminine s’émancipe de ses anciennes frontières, accueille et célèbre d’autres manières d’être.
Adopter le vêtement androgyne, c’est choisir de s’émanciper de la norme. La mode redevient terrain d’aventure, laboratoire d’idées, lieu où l’on expérimente. On ne cherche plus à ressembler à un modèle figé, mais à composer une silhouette fidèle à sa propre trajectoire. L’androgyne ouvre la porte à une infinité de styles, de perspectives, de récits quotidiens.
Reconnaître les codes et pièces emblématiques de la mode androgyne
La grammaire de l’androgyne
Le vêtement androgyne se distingue par ses coupes nettes, des volumes parfois généreux et des matières choisies avec soin. Chemises oversize, vestes droites, pantalons larges ou droits : autant de pièces signatures qui effacent la frontière entre masculin et féminin. Les tissus donnent le ton : laine froide, coton dense, cuir travaillé, velours sombre.
Impossible d’évoquer ce style sans penser au boyish chic, porté par des figures majeures du XXe siècle. Marlene Dietrich, en costume, redéfinit l’élégance. Yves Saint Laurent impose le tailleur-pantalon comme un manifeste. Et d’autres maisons, de Christian Dior à Givenchy, suivent la voie d’une mode qui joue avec les genres.
Pour mieux comprendre les pièces phares du vestiaire androgyne, voici quelques repères :
- Vestes structurées : épaules dessinées, coupe droite, palette neutre (noir, gris, rouge profond).
- Pantalons droits ou larges : portés taille basse ou haute, épurés, à la croisée du costume masculin et de la liberté féminine.
- Robes minimalistes : lignes simples, sans motifs, longueur variable, souvent associées à des accessoires discrets.
Le style gothique ou rock influence parfois ce vestiaire, avec l’utilisation du noir, du cuir, et des silhouettes allongées aux allures ambiguës. Cette combinaison d’emprunts crée un langage vestimentaire qui célèbre l’individualité et la marge.
Inspirations pour composer un look androgyne à votre image
Composer sans frontières, jouer les contrastes
L’équilibre s’invente entre élégance intemporelle et audace contemporaine. Les archives d’Yves Saint Laurent ou les défilés parisiens inspirent : costume droit, chemise blanche XXL, chaussures richelieu vernies. Mais le look androgyne ne se limite pas à la haute couture. Il se construit aussi dans la rue, au fil des associations inattendues : veste d’homme sur pantalon fluide, chemise masculine ouverte sur un jean brut, matières superposées pour créer du relief.
Certains puisent leur inspiration dans la musique ou l’architecture contemporaine. On pense à des lignes épurées, des volumes géométriques, des couleurs sobres. Les jeunes créateurs parisiens revisitent sans cesse les styles et inspirations de leurs prédécesseurs, injectant dans leurs collections une énergie nouvelle, parfois volontairement indéfinissable.
Pour ancrer un look androgyne dans le quotidien, quelques pistes concrètes :
- Choisissez des accessoires épurés : ceinture fine, montre en acier, chaussures derby vernies.
- Multipliez les superpositions : pull léger sous veste ample, t-shirt uni sous chemise ouverte.
- Privilégiez les couleurs neutres, mais n’hésitez pas à glisser une touche inattendue : chaussettes vives, foulard graphique.
L’élégance devient ici une affirmation de soi, affranchie des catégories vieillissantes. S’inspirer de la mode art et de la couture permet d’explorer de nouveaux territoires, où chaque vêtement raconte un parcours, et où la liberté de composer son style n’a plus de limite. Le miroir ne renvoie plus une simple image, mais le récit vibrant d’une identité qui s’invente à chaque instant.

